1er Août 🇨🇭 – Réflexions d’une gynécologue suisse expatriée
- Dr. Sandra Yene Amougui

- 1 août
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1er août – Fête nationale suisse : Réflexions d’une gynécologue installée au Cameroun
Aujourd’hui, c’est le 1er août – la fête nationale suisse.Depuis trois ans, j’ai quitté mon pays natal pour m’installer au Cameroun et ouvrir mon cabinet de gynécologie obstétrique. Ce jour me rend un peu nostalgique… mais surtout profondément reconnaissante.
La Suisse, c’est les montagnes, la neige, le chocolat, les trains à l’heure. C’est aussi là que j’ai été formée, que j’ai travaillé en milieu hospitalier, que j’ai appris la rigueur, l’organisation, et une médecine fondée sur des moyens solides.
Mais c’est ici, au Cameroun, que j’ai trouvé ma place.Ici, j’ai mes patientes – des femmes incroyablement fortes, courageuses, généreuses. Je suis chaque jour touchée par leur confiance et leur résilience.

La médecine en Suisse et au Cameroun : deux réalités
En Suisse, la plupart des femmes ont une assurance maladie. Les consultations de prévention sont fréquentes, parfois même excessives : frottis, échographies, bilans hormonaux...Ici, c’est souvent l’inverse. Les patientes consultent tard, parfois trop tard – quand les douleurs deviennent insupportables ou lorsqu’un désir d’enfant reste longtemps insatisfait. Je vois beaucoup de fibromes, d’infertilité secondaire, de complications évitables.
Chaque examen a un coût, parfois lourd. C’est pourquoi je m’efforce de recommander uniquement les actes véritablement nécessaires, d’éviter les dépenses inutiles, et de rester toujours transparente. Je suis aussi préoccupée par certaines pratiques guidées par l’intérêt économique – les fameuses « quote-parts » – qui risquent d'encourager des examens sans réelle justification médicale. Ce n’est pas ma vision de la médecine.
Accouchement : entre attentes culturelles et respect du corps
Un autre sujet me touche particulièrement : l’accouchement.
Au Cameroun, je constate une immense pression sociale sur les femmes pour accoucher absolument par voie basse. L’entourage conseille : « marche davantage, aie des rapports, prends du Spasfon… » – même lorsque ce n’est ni indiqué, ni bénéfique.
Je crois profondément que la nature sait enfanter – lorsqu’on la respecte. Mais je suis aussi reconnaissante que la césarienne existe : c’est une option précieuse, parfois vitale. En Suisse, cette décision est souvent abordée plus sereinement, sans jugement. Je souhaite que chaque femme ici aussi puisse vivre son accouchement sans peur, et dans le respect de son choix et de sa sécurité.
Médecine naturelle : entre valeur et prudence
Je rencontre aussi beaucoup de patientes qui ont d’abord consulté un tradipraticien. Je respecte les savoirs ancestraux – certaines plantes ont indéniablement des effets utiles. Mais je m’inquiète lorsque des traitements retardent une prise en charge ou aggravent l’état de santé.
Je rêve d’un dialogue plus ouvert entre médecine moderne et médecine traditionnelle. Une collaboration sincère, centrée sur la patiente, et non sur l’ego du soignant.
Une gratitude profonde
Ce 1er août, je pense à ma famille en Suisse, aux feux de camp, aux lampions, aux paysages alpins.Mais surtout, je pense à tout ce que ce pays, le Cameroun, m’a apporté.Grâce à vous – mes patientes, mes collègues, mes partenaires – je me sens utile, vivante, engagée.
Je suis fière de faire partie de celles et ceux qui s’investissent chaque jour pour améliorer les soins, même avec des moyens limités.
Merci pour votre confiance. Merci pour votre force. Merci pour votre humanité.
Dr Sandra Yene Amougui
Yaoundé, 1er août







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